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Thursday, July 03, 2014

Offre et demande des Operations de maintien de la paix en Afrique comme équation désarticulée. Demande and Supply of Peacekeeping in Africa



« Les opérations de maintien de la paix comme équation désarticulée »

Pr Nadine MACHIKOU, Université de Yaoundé II

L’une des théories économiques les plus connues c’est la loi de l'offre et la demande formalisé dans les années 1838 par Augustin Cournot qui introduit la courbe de la demande. Il s’agit de la quantité de biens ou de services que les acteurs sur un marché sont disposés à vendre ou à acheter en fonction des prix. Cette théorie peut être transposée dans le champ politique,[1] notamment en matière de maintien de la paix en Afrique. La demande des opérations de maintien de la paix en Afrique est conditionnée par la quantité et la qualité des situations de conflit. L’offre renvoie aux solutions proposées ou imposées par les acteurs internes et externes. Or, la force de cette théorie repose justement sur l’idée d’un équilibre entre la demande et l’offre.

La politique de la demande des OMP
La politique de l'offre, d'inspiration libérale, est un ensemble de mesures favorisant l'offre (abaissement des impôts ou des charges sociales sur les entreprises, etc.)La politique de la demande, d'inspiration plutôt keynésienne, est un ensemble de mesures visant à  favoriser la croissance en stimulant la demande (par exemple, en augmentant le SMIC ou le salaire des fonctionnaires). 

En 1941, le juriste allemand Carl Schmitt diagnostiquait en son temps déjà la mort de l'État, considérant que celui-ci avait perdu le monopole du politique à l'intérieur de ses frontières et n'était plus le pilier de l'ordre international. Plus récemment, une sociologue américaine, Sasskia Sassen, a interprété la mondialisation et ses ravages comme la manifestation tangible de l'effacement de l'État : celui qui avait réussi à produire « l'assemblage du national », serait menacé par son « désassemblage », résultat des formes modernes du capitalisme. Il serait devenu une puissance impuissante face aux nouvelles formes de pouvoir prises par l'économie mondiale. On ne compte plus, par ailleurs, les essais dans lesquels est annoncé le dépérissement « par en bas » de l'État, et l’Afrique en est caractéristique. La situation sécuritaire de l’espace qui nous intéresse ici pose une question simple : peut-il y avoir des communautés politiques qui ne tiennent que par le jeu de clientèle ou celui de la libre concurrence entre acteurs de guerre ? Une chose en tous les cas me paraît acquise : plus on fera la guerre en Afrique, et plus on transformera l'Afrique en société guerrière. Les opérations de maintien de la paix posent largement la question de la mise en ordre de ce dépérissement.
Leur succès ou échec (sur ce point savants et politiques ne partagent pas les vues sur ce que c’est qu’une entreprise pacificatrice réussie. En l’occurrence, pour un grand nombre de parties prenantes et en particulier les donateurs, dès qu’il a organisation d’élection « globalement » transparentes, opération est un succès. Les cas de la Côte d’ivoire et de la RDC viennent assombrir cette lecture optimiste. Le succès, quel qu’en soit le visage dépend, d’une série de ressorts. Dans le même temps, elles fondent une spécialisation entre dominants et dominés des entreprises pacificatrices et une différenciation des rôles socio-politiques et militaires en la matière. Or, c’est dans la croyance dans cet ordre de domination,  fondé sur le réel, que reposent l’équilibre et la stabilité des rapports de force dans les opérations de maintien de la paix. Rendre compte du cadre au sens de Goffman, des opérations de maintien de la paix, c’est avant tout se situer dans un monde social totalisant où des acteurs tiennent des rôles.
Cette communication suggère qu’un modèle explicatif combinant l’offre et la demande de maintien de la paix peut être une entrée heuristique pour penser à partir d’un questionnement nouveau un champ déjà débroussaillé même si la région qui est ici retenue demeure un impensé. L’économie politique pourrait être un cadre à cette analyse mais ici, c’est l’analyse des politiques publiques qui sera l’entrée privilégiée. Cette équation a donc deux termes : l’offre et la demande de maintien de la paix.

L’offre réfère aux dispositifs d’action publique internationale (politiques bilatérales,  communautaires que des politiques étrangères) constituées en réponse pour la mise en œuvre de la paix. Ce dispositif est à la fois pratique et symbolique est s’est progressivement vu investi ces dernières années à la faveur d’un repli occidental (des revers onusiens en Somalie, au Rwanda et en ex-Yougoslavie) d’un renforcement de la présence africaine (or division du travail inégalitaire car l’absence d’un appui ferme de grandes puissance, cette mobilisation connait des succès mitigé, on a pu le voir en Côte d’ivoire, au Mali, en RDC où les avancées récentes tiennent à la mise à disposition d’une armée robuste. Pour la RCA, l’arrivée de troupes française constitue une clé décisive pour le retour à la paix durable).  Classiquement, l’offre est la plus importante de la part de l’ONU et du Conseil de paix et de sécurité.

La demande quant à elle, plus ambiguë, se réfère aux attentes formelles et informelles tant d’acteurs étatiques que d’autres catégories d’acteurs pour des interventions en faveur de la paix (en RCA, c’est la population, la société civile et plus récemment le PM qui formulent cette demande). Les uns demandant un soutien –ressources humaines, financières, logistiques, militaires ? et la population une intervention. Elle réfère plus largement au profil pays des lieux de ces opérations.

L’hypothèse avancée ici est celle d’une désarticulation entre cette offre et cette demande, source d’inefficacité des opérations de maintien de la paix donne lieu à des réponses incrémentales au maintien de la paix. Deux lectures permettent de décliner cette équation désarticulée. D’abord, une demande diffuse et complexe, ensuite, une offre incrémentale.


I.                    PREMIERE LECTURE : UNE DEMANDE DIFFUSE ET COMPLEXE (n’est perceptible que si l’on met en perspective les Etats d’Afrique centrale entre eux, mais aussi par rapport à leur historicité propre

Si le succès des OMP dépend au moins de ce que Les belligérants collaborent sincèrement et volontairement à la mise en place du dispositif, de ce que l’opération donne une certaine garantie de sécurité aux différentes parties prenantes, L’opération porte une attention particulière aux causes profondes du conflit, la coordination interne et externe des instruments de paix, ’implication des acteurs clés internes et externes dans le processus.

De quoi parlons-nous ?
L'Afrique centrale (la grande) est de ce point de vue un traceur intéressant. Elle a en effet comme caractéristiques propres l'arbitraire frontalier avec des traits spécifiques destabilisant - écologiques, géographiques, et souvent pratiques, ces frontières sont plus difficiles à contrôler qu'ailleurs -,  l'incertitude des constructions étatiques, l'acuité des pathologies sociales, la force des déséquilibres dans les richesses tant au sein des Etats qu’entre eux, l'ambiguïté de formes nouvelles de conflictualité. La période post-bipolaire est ce point de vue un tournant à ce que l’on peut parfois tenir comme  l’émergence de situations étatiques pré-hobbesiennes (absence de pacte social) ? En bref, un espace infiniment plus complexe et potentiellement plus conflictogène. Même si elle n’en a pas le monopole, on voit se mettre en place une compétition de faiblesse souvent plus déterminante que la compétition de puissance, ce qui est une rupture forte dans l'histoire clausewitzienne  de la guerre. Avec catégories très fluides dont l’un des plus emblématiques sont les "sobels". Pour autant, les Etats n'ont pas disparu et, autre particularité, la plupart de ces conflits sont alimentés par un déséquilibre trop fort entre des Etats puissants et ambitieux et des voisins faiblement institutionnalisés, à la limite de l'identité d'"Etats faillis". On pense par exemple au Rwanda et à l'Ouganda face au Zaïre puis au Congo. De fait, « malgré des acquis indéniables en matière de création des institutions de nature démocratique et de fonctionnement formel de celles-ci (exemple des élections régulières organisées), quelques menaces, résidant essentiellement dans les pratiques politiques et le civisme, existent et font courir des risques à l’Etat burkinabé.
Ces facteurs sont de nombreux ordres et demandent à être examinés minutieusement afin d’établir une priorisation du risque à la stabilité afin d’éclairer les actions de réponses à ces menaces ».
Comment cette réalité peut être analytiquement appréhendée ?


1.   Au-delà des failles de l’africanisme politique

Réfléchir sur l’État et le politique en Afrique depuis les indépendances est une tâche à la fois nécessaire et décourageante. Le chercheur navigue entre les imprécations, les illusions et les fausses certitudes. Le bon Pouvoir est démocratique, respectueux des droits et libertés, dévoué au bien public et à l’intérêt général. Le mauvais Pouvoir, et dans les pays d’Afrique est tyrannique, prédateur, patrimonial ou néopatrimonial, c’est la politique du ventre. Toute littérature sur l’Afrique, qu’elle soit d’origine africaine ou européenne et américaine, est dominée par ce dualisme ), constate François Borella. Il faut insister ici sur la nécessité d’aller au-delà de l’africanisme politique classique qui se « limitent le plus souvent à incriminer l’inadaptation des mécanismes politiques importés par la colonisation et reproduits après la décolonisation. Ce qui est en cause, avant les mécanismes démocratiques ou non, c’est le cadre dans lequel ils se déploient ».
Le cadre dont il est question ici est celui de 1’État importé, en tant que modèle de construction politique comme l’horizon de la modernité politique et de la rationalité. Or, le rare débat sur 1’Etat en Afrique n’a porté que sur son épiphénomène, en l’occurrence 1’Etat postcolonial, ignorant totalement la crise en amont qui touche le modèle importé dont ce dernier n’est que la caricature, ou un avatar de la crise de 1’Etat-nation libéral et la crise de 1’Etat-nation Deux outils analytiques sont souvent convoqués : la politique du ventre et l’e l’Etat néopatrimonial qui ont tous en commun la référence la toile de fond du modèle idéal-typique de domination traditionnelle chez Max Weber. I1 suffit de lire J.-F. Bayart et J.-F. Médard pour découvrir cette filiation. En effet, dans L’État en Afrique - la politique du ventre, la thèse centrale de J.-F. Bayart est que l’accès au pouvoir d’Etat est également l’accès aux ressources matérielles et morales de cet Etat. I1 désigne ce processus d’accaparement arbitraire de l’État et de ses ressources par le terme G d’accumulation ». Cette accumulation, devient aussi un espace de coercition et les accapareurs constituent ou tentent de constituer une classe dominante soucieuse de construire une  l’hégémonie. Cet État repose sur des fondements autochtones et sur un processus de réappropriation des institutions coloniales qui en garantissent l’historicité (p. 3 17). I1 en découle que si 1’État postcolonial repose sur des fondements autochtones d’un côté, et qu’il a fait l’objet de réappropriation de l’autre, J.-F. Médard soulignera que « le patrimonialisme constitue le commun dénominateur de pratiques diverses si caractéristiques de la vie politique africaine, à savoir le népotisme, le clanisme, le tribalisme, le régionalisme, le clientélisme, le copinage, le patronage, le prébendalisme, la corruption, la prédation, le factionnisme, etc., qu’elles soient fondées sur l’échange social ou sur l’échange économique » . Dans une sous-région marquée par des économies d’extraction, ceci constitue une structure d’opportunité à la fragilisation durable de la paix et constitue le socle de la demande de paix.

Appréhender la demande de maintien de la paix, du point de vue du terreau dans lequel il va s’incruster, c’est rendre compte de deux idées :
Dans les plis d’une gouvernementalité spécifique (sécurité et bienveillance) pour penser la sécurité humaine


2.   Dans les plis d’une gouvernementalité spécifique (sécurité et bienveillance) pour penser la sécurité humaine

Il s’agit ici de partir des lumineuses propositions foucaldiennes sur le gouvernement des corps et des choses (le biopouvoir). Michel Foucault avait en effet souligné que  la gouvernementalisation de l’Etat est la clé de sa survie. C’est là l’horizon de la pacification des sociétés africaines. Voir Micheal Mann sur le pouvoir infrastructurel et « capacité concrète à la fois à concevoir et à mettre en application leurs propres politiques, c’est-à dire à organiser, ordonner et façonner la société, que ce soit en matière politique, économique ou militaire. C’est là le seul espace réel de la lutte et des joutes politiques, cette gouvernementalisation de l’Etat a tout de même été le phénomène qui a permis à l’Etat de survivre. Et il est vraisemblable que si l’Etat existe tel qu’il existe maintenant, c’est grâce, précisément, à cette gouvernementalité qui est à la fois extérieure et intérieure à l’Etat, puisque ce sont les tactiques de gouvernement qui, à chaque instant, permettent de définir ce qui doit relever de l’Etat et ce qui ne doit pas en relever, ce qui est public et ce qui est privé, ce qui est étatique et ce qui est non-étatique. Donc, si vous voulez, l’Etat dans sa survie et l’Etat dans ses limites ne doivent se comprendre qu’à partir des tactiques générales de la gouvernementalité »[2]. Ce pouvoir gouvernementalisé correspond à un changement de rationalité qui substitue des catégories d’action publique relevant de l’économie politique à celles qui relevaient antérieurement de la seule défense de l’autorité des dominants dans le jeu politique. Il apparait que le disciplinarisation de la société est corrélative de la gestion populationnelle et de la constitution de dispositifs de sécurité reconfigurant les rapports entre le sujet et la liberté. En étendant graduellement son emprise sur les société en Afrique centrale, l’Etat se fait producteur de significations grâce à la mise en branle d’une série d’instruments d’objectivation[3]. En même temps, elle met au cœur de la rationalité politique la quête de la félicité et de la prospérité terrestres. C’est d’ici que part la conjugaison des destins étatique et d’autorité d’une part, et destin populationnel et d’intervention donnant lieu au développement de toute une série de mécanismes visant à assurer l’ordre tout en intervenant. Or en réalité, ces deux destins se chevauchent de manière asymétrique. D’une part, un art de gouverner multipliant les instances de police, réglant les pratiques et les conduites individuelles (en matière religieuse, alimentaire, d’habitat, santé, sexualité, etc.) dont le but avoué est de maximisé les forces et l’utilité économique de la population. En effet, « cet Etat de gouvernement qui s’appuie essentiellement sur la population et qui se réfère et utilise l’instrumentalisation du savoir économique, correspondrait à une société dominée par les dispositifs de sécurité »[4]. Dans les sociétés occidentales, cette emprise progressive part du modèle de la pastorale chrétienne avant de se séculariser progressivement grâce à une « série d’instruments très particuliers, dont la formation est justement contemporaine à celle de l’art du gouvernement, et s’appelle dans le vieux sens du terme : la police »[5]. Ce mouvement s’organise en un ensemble de pratiques visant à tenir les individus par les mécanismes de pouvoir se réclamant « a-politique » comme l’avait analysé Jean-François Bayart : La domination bureaucratique se fait au travers des formes gouvernementales et s’accompagne d’une intrication des catégories de défense de l’autorité des dominants autour des politiques disciplinaires et/ou d’intervention directe recourant à des instruments administratifs (défense, sécurité intérieure, finances, justice, administration territoriale, etc.),
Ressort historique,  En effet, les deux premières décennies post-indépendance sont marquées, au Cameroun comme dans bien d’autres Etats africains, la quête du développement fait partie du triangle magique (avec la Nation et l’Etat) » qui définit l’ordre des priorités étatiques. Daniel Bourmaud montrera qu’il fait partie de l’identité même des nouveaux Etats indépendants : Cette emprise toujours plus grande de l’Etat sur la vie sociale invoque, sous une forme idéalisée, une forme qui se veut providentielle, portant en elle le souci populationnel décliné en  souci d’accomplissement de bonheur matériel de ses sujets via le développement et en souci d’intégration nationale. Ces formes de soucis s’ajoutent aux catégories de défense de la souveraineté et de l’ordre, donnant une cohérence et une stabilité à l’art de gouverner.

Ceci constitue des éléments centraux de contextualisation révélateur de la complexité du cadre au sens de Goffman, des OMP. Venons-en aux réponses elles-mêmes.


2.   DEUXIEME LECTURE : UNE OFFRE INCREMENTALE

Si l’offre en matière de maintien de la paix rencontre des résultats mitigés, c’est en raison du cadre dans lequel elle s’insère et la dynamique propre de sa mise en œuvre. L’offre renvoie à des politiques publiques internationales, c’est-à-dire « c’est tout ce que la société internationale décide de faire, ou de ne pas faire » d’où la distance à l’égard de toute posture positiviste. C’est aussi un ensemble coordonné de décisions et d’actions avec pour caractéristiques fondamentales de définir les buts à atteindre ainsi que les moyens nécessaires pour remplir les objectifs fixés. En avançant l’idée de dispositif, nous nous référons à moyens et instruments à mobiliser : condition pratique de la décision et les moyens dégagés pour les mettre en œuvre. C’est un dispositif non pas naturel mais un construit socio- politique.  Les réponses internationales en matière de maintien de la paix ont 5 composantes :
un contenu : une PP est un ensemble d’éléments matériels (ex : texte juridique), d’éléments budgétaires et d’actes administratifs (nomination de fonctionnaires…). + élément symbolique qui motive l’action de l’Etat : discours de certains acteurs, certaines prises de position (ex : campagne d’information sur la prévention routière).
Un programme : chaque ministère développe une politique propre. Au sein d’un même ensemble, on retrouve différents types de politiques publiques (ex : au sein du ministère de la culture, la politique du livre est différente de la politique du cinéma). De plus, contre la toxicomanie, 3 programmes possibles : curatif, préventif ou de sanction.
L’orientation normative : idée qu’une PP est toujours liée à des normes. Toute PP vise à réaliser des objectifs : soit satisfaire l’intérêt des acteurs, soit favoriser des clients- idée de constituency de Lasswell (ex : la politique du cinéma en France).
Elément de coercition : l’Etat exerce la contrainte. Une PP doit exercer une contrainte sur le comportement des acteurs, qu’ils soient publics ou privés.
Le ressort social : expression qui désigne l’ensemble des acteurs publics ou privés qui participent + ou - directement à la production et à l’application des PP.

Deux niveaux peuvent retenir l’attention dans l’analyse, la phase décisionnelle et la phase de l’implémentation.


Une structure inégalitaire et déterminée
Une structure routinière et de compromis

Au-delà des explications classiques sur les contraintes de la mise en œuvre des OMP (voir Hassenteufel, termes, moyens, comportements des acteurs en présences, comportement des acteurs en charge de la mise en œuvre, la réception sociopolitique par les cibles), c’est aussi les conditions de la décision en matière de maintien de la paix sont déterminantes dans le succès.

1.      Uns structure inégalitaire marquée par une division sociale du travail de maintien de la paix
Il existe plusieurs manières de contribuer aux opérations de maintien de la paix déployées par les Nations Unies : en personnel, en financement, en engagement politique, en soutien. Il existe donc plusieurs types de contributeurs, provenant de plusieurs zones de déploiement, et leurs motivations à contribuer sont très variées, même si l’on oppose souvent deux grands groupes de contributeurs : les contributeurs en troupes et les contributeurs financiers. Ces deux grands groupes correspondent depuis dix ans de plus en plus à deux grands ensembles du monde : les pays du Sud, principaux contributeurs de troupes des OMP et les pays occidentaux, principaux contributeurs financiers. Ces premiers ont un certain nombre de revendications pour mieux être entendus, écoutés et impliqués dans les processus décisionnels principalement contrôlés par les seconds. L’enjeu est aujourd’hui de pouvoir donner plus de cohésion à cet ensemble de contributeurs.

Les types de contributeurs au maintien de la paix


L’ONU distingue plusieurs types de contributeurs : les contributeurs de troupes (TCCs), les contributeurs de police (PCCs) et les contributeurs financiers (FCCs). Ces groupes forment aussi des groupes de pression ou de négociations (C-34) à part entière qui font avancer leurs intérêts particuliers.



10 principaux contributeurs de l’ONU (TCCs, PCCs, FCCs)
(au 31 janvier 2012)
Pays
Troupes
Pays
Policiers
Pays
Budget (quote-part)
Bangladesh
10 238
Bangladesh
2 076
Etats-Unis
27,14%
Pakistan
9 527
Jordanie
2 024
Japon
12,53%
Inde
8 093
Inde
1 022
Royaume-Uni
8,15%
Ethiopie
6 223
Pakistan
893
Allemagne
8,02%
Nigeria
5 775
Népal
745
France
7,55%
Egypte
4 066
Sénégal
745
Italie
5,00%
Jordanie
3 751
Nigeria
721
Chine
3,93%
Rwanda
3 713
Rwanda
468
Canada
3,21%
Népal
3 601
Egypte
413
Espagne
3,18%
Ghana
2 987
Ghana
341
Corée du Sud
2,26%

57 974

9 448

80,97%

TCCs = Troop-Contributing Countries ; PCCs = Police Contributing Countries ; FCCs = Financial Contributing Countries

Les contributeurs de troupes

 115 Etats membres contribuent en troupes aux opérations de maintien de la paix. L’ONU est actuellement le deuxième « déployeur » de troupes (après les Etats-Unis) de par le monde avec 93 187 personnes en uniforme et 19 299 civils servant dans 15 opérations de maintien de la paix sur quatre continents. Ces contributeurs proposent la mise à disposition de leurs troupes sur la base du volontariat. En retour de l’envoi de militaires, ils reçoivent une compensation sous la forme d’un forfait appelé troop cost, forfait par homme et par mois de 1 101 $ versé a posteriori aux pays contributeurs (et non pas aux militaires eux-mêmes).

Les cinq premiers contributeurs de troupes de l’ONU sont le Bangladesh (10 238), le Pakistan (9 527), l’Inde (8 093), l’Ethiopie (6 223) et le Nigéria (4 066) ; ils contribuent à 38% des personnels en uniforme déployés dans ces opérations.

Les contributeurs de police

84 Etats membres contribuent en policiers ou en forces de police constituées (FPU – Formed Police Units) aux opérations de maintien de la paix, également sur la base du volontariat. Pour les policiers (comme pour les observateurs militaires), l’ONU verse directement et mensuellement aux hommes et femmes qu’elle emploie une MSA (Mission Subsistence Allowance) dont le montant varie en fonction du pays où ils sont envoyés. Cette catégorie de contributeurs n’a été créée que récemment, certains pays s’étant fait une sorte de spécialité dans ce type de contribution (Jordanie, par exemple) et les opérations de maintien employant de plus en plus de policiers pour des tâches d’après-conflit.

Les cinq premiers contributeurs de police sont le Bangladesh (2 076), la Jordanie (2 024), l’Inde (1 022), le Pakistan (893) et le Népal au même niveau que le Nigéria (745).
Ces deux premières catégories sont aussi fusionnées sont l’expression : contributions de personnel en uniforme.

Les contributeurs financiers

L’ensemble des Etats membres contribue au budget du maintien de la paix qui s’élève à 7,84 milliards de dollars pour le biennum 2011-2012. Ces contributions sont donc obligatoires et fixées selon le produit national brut (PNB) par habitant de chaque Etat (quote-part corrigée pour tenir compte de divers facteurs tels que la dette extérieure et la faiblesse du revenu par habitant). Les cinq premiers contributeurs financiers sont les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ; ils supportent plus de 60% de ce budget.

On évoque rarement les contributeurs de personnel civil, car ces personnels sont des employés de l’organisation, des fonctionnaires internationaux, et ne répondent par conséquent pas aux mêmes règles de déploiement. On évoque encore moins les Etats formant les bataillons de certains Etats, les contributions en termes de capacités (hélicoptères notamment) ou les entreprises de soutien logistique qui répondent à des marchés (procurement).

Cette structure des moyens d’intervention constitue des logiques d’implication de 5 ordre  et qui n’ont pas nécessairement une résonance avec la structure de la demande précédemment présentée.


- un ressort militaire : l’engagement régulier dans les OMP permet aux soldats de se confronter à un travail en multinational voire d’améliorer l’interopérabilité des forces ; il permet également aux pays aux armées pléthoriques de maintenir une partie de leurs soldats en dehors du territoire. Les OMP sont par ailleurs un moyen d’entrainer de jeunes armées (exemple du Timor oriental) à peu de frais et de manière progressive. Cela est aussi un moyen de « rentrer » dans le concert des nations (exemple du Timor oriental, du Vietnam, de la Mongolie). Cette contribution militaire peut aussi se faire en fonction des spécialités et des contraintes à chaque armée (exemple du Japon qui déploie principalement des forces de génie ; exemple de la Corée du Sud qui déploie des unités médicales). Les OMP peuvent donc constituer des modes d’intégration et de formation de certaines armées.

- un ressort de leadership régional : cet engagement permet de conforter un statut de puissance régionale (exemple du Brésil) ou au contraire de promouvoir un partenariat régional (Caecopaz en Argentine).

- un ressort politique : l’engagement au sein des OMP répond aux intérêts d’un Etat pour la stabilisation d’une zone (engagement des Européens dans les Balkans, des pays d’Amérique latine en Amérique centrale et de l’Australie au Timor oriental dans les années 90). Cet engagement est aussi utilisé par certains Etats candidats à un siège de membre permanent du Conseil pour renforcer leur légitimité en la matière et remplir l’un des critères exigés pour une telle accession.

- un ressort financier : les dégrèvements qu’accorde l’ONU pour la mise à disposition de forces militaires permettent aux pays en développement d’entretenir leur armée et d’entraîner leurs soldats à moindre frais ; aux pays développés, ils leur permettent aussi un engagement à moindres frais avec des capacités rares (exemple de la FINUL), même si les remboursements de l’ONU ne couvrent pas l’ensemble des frais engagés.

- un ressort économique voire commerciale : l’engagement dans une OMP se fait aussi en fonction des zones d’intérêt économique et d’approvisionnements énergétiques stratégiques (exemple de la Chine en Afrique). La logique commerciale est privilégiée par les Américains qui vendent, à un prix élevé, leurs capacités de transport stratégique.

La fronde des principaux contributeurs de troupes et le fossé grandissant entre contributeurs et décideurs

Pendant longtemps, les contributeurs de troupes ont été un peu les parents pauvres du maintien de la paix et peu de monde s’en souciait. Suite au rapport Brahimi, une résolution traitant de manière spécifique de « la coopération avec les pays fournisseurs de contingents » a été votée par le Conseil de sécurité. La Résolution 1353 insistait sur le renforcement nécessaire des consultations entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les TCCs, par l’organisation de réunions spécifiques (des « séances publiques ou privées du Conseil de sécurité avec la participation des pays fournisseurs de contingents » ; des « réunions de consultation avec les pays fournisseurs de contingents » ; des « réunions entre le Secrétariat et les pays fournisseurs de contingents ». De fait, seul ce troisième format de réunions se tient régulièrement, mais elles sont peu réactives et constituent principalement des réunions de génération de forces. Les dispositions de cette résolution ont été peu suivies d’effet. Il est un fait que le Conseil de sécurité dialogue peu avec les contributeurs en troupes et financiers, par manque de comité militaire (qui aurait été l’instance idoine de ce genre de consultations), par manque de temps et par manque d’implication dans la mise en œuvre des opérations qu’il décide.

Au fil des années, un fossé de plus en plus grand s’est creusé entre les différents contributeurs du maintien de la paix : entre ceux qui décident au Conseil et qui contribuent financièrement, et ceux qui contribuent militairement et considèrent « payer le prix du sang » du maintien de la paix. C’est ce fossé et le manque de consensus sur la façon de mener les OMP qui ont bloqué à plusieurs reprises les travaux du Comité spécial sur les opérations de maintien de la paix (C-34), enceinte dans laquelle les grands pays contributeurs peuvent peser. C’est ce fossé qui bloque aussi certaines discussions au sein de la Ve Commission de l’Assemblée générale qui vote le budget des opérations décidées par le Conseil. Contre toute logique d’efficacité, certains Etats du groupe des Non-Alignés utilisent cette instance comme un levier pour faire entendre leurs voix et leurs revendications en bloquant ou diminuant certaines dépenses demandées par le Conseil, conduisant même les principaux contributeurs de troupes à remettre en cause le rôle décisionnel prééminent du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix. Il existe là sans doute chez les contributeurs de troupes une forme de pression envers le Conseil pour qu’il leur ouvre son processus de décision, exigence bien entendu inenvisageable pour les membres du Conseil. Ceci constitue assurément une forme de dérive alors que les opérations de maintien de la paix forment chacune « un partenariat global » (pour reprendre la formule du rapport « New Horizon ») où chacun doit prendre une place qui lui est reconnue. Ceci est l’un des grands défis à venir du maintien de la paix que de (re)constituer un tel partenariat.

2.      Une structure routinière et de compromis

Cette désarticulation tient selon l’approche incrémentaliste des politiques publiques suggérée par Lindblom[6] s’oppose à une conception rationnelle de l’action décisionnelle « elle met l’accent sur la manière dont de nombreux acteurs interviennent au cours d’un processus de décision en s’efforçant, par tâtonnements, d’aboutir à des compromis en fonction d’informations partielle. La décision et l’action en construction ou en consolidation de la paix consiste alors en des démarches correctives successives, en de nombreux ajustements et en une grande quantité de micro-décisions sur un modèle d’essai/erreur dans la quête d’une sorte de consensus social pour la paix. Les acteurs se « débrouillent au mieux » à travers des pratiques d’adaptation pour élaborer des décisions qui peuvent échapper à l’épicentre décisionnel de l’intervention. L’on peut dans cette perspective reprendre les propositions faites dans le cadre du postulat des sciences sociales qu’est la rationalité limité par essence des acteurs. L’offre d’OMP est de ce point de vue une alternative satisfaisante. En conséquence, bien qu’on ait trois générations d’OMP, l’interposition, l’intervention avec parti pris et l’option allant au-delà des objectifs sécuritaires de base, on a des enjeux de sécurité humaine, de réforme du secteur sécuritaire, consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie, construction de la cohésion sociale et soutien à la reconstruction est une génération si complexe mais si indispensable dans le cas de l’Afrique centrale explique que les solutions soient fondamentalement des compromis entre acteurs (cf RDC et M. 23)
-            
Conséquemment, les dispositifs produisent des effets incrémentaux, elle évolue à la marge, seule une petite partie du dispositif sera modifiée.

c)Le modèle de la poubelle
4 critères pour critiquer la RPP :
• Il n’existe jamais une connaissance de la situation, donc pas de critères de choix
• Les préférences sont implicites, souvent contradictoires et instables
• Il n’y a pas de moyens disponibles
• Le moment de la décision (moment de stress) est tout sauf rationnel, il y a des affects
Face à une situation de choix, les acteurs vont prendre la dernière décision qu’ils viennent de jeter à la poubelle sans vraie rationalité.





Poser le problème des OMP, c’est souligner non seulement que l’heure a sonné de changer la problématique de 1’État et la sécurité en Afrique, mais c’est surtout préciser que l’enjeu de cette nouvelle problématisation se décline sous la forme de trois variables : inadaptabilité du modèle de l’État-nation extrapolé en Afrique ; redécouverte des tenants et des aboutissants du modèle de l’État et de la nation inventé par l’Afrique noire précoloniale ; théorisation de ce modèle de 1’Etat impliquant une approche méthodologique globale. En l’absence d’une maîtrise de ce contexte,


La ponctualité est la politesse des rois et en démocratie, Monsieur le président, mesdames et messieurs,  nous sommes tous des rois, je vous remercie.




« Les opérations de maintien de la paix comme équation désarticulée »

Pr Nadine MACHIKOU, Université de Yaoundé II



Monsieur le président, mesdames et messieurs en vos titres, grades et qualités respectifs, les opérations de maintien de la paix comme équation désarticulée.

A ce stade de la recherche, il est essentiel d’accompagner cette proposition d’un point d’interrogation. Trois deux permettent d’en rendre compte.
Un premier fil, empirique : En 1941, le juriste allemand Carl Schmitt diagnostiquait en son temps déjà la mort de l'État, considérant que celui-ci avait perdu le monopole du politique à l'intérieur de ses frontières et n'était plus le pilier de l'ordre international. Sasskia Sassen, parlera plus récemment d’un « désassemblage », On ne compte plus, par ailleurs, les essais dans lesquels est annoncé le dépérissement « par en bas » de l'État, et l’Afrique en est caractéristique. Or les opérations de maintien de la paix posent largement la question de la mise en ordre de ce dépérissement. Leur succès ou échec (sur ce point savants et politiques ne partagent pas les vues sur ce que c’est qu’une entreprise pacificatrice réussie. En l’occurrence, pour un grand nombre de parties prenantes et en particulier les donateurs, dès qu’il a organisation d’élection « globalement » transparentes, l’OMP s’est clôturée avec succès. Les cas de la Côte d’ivoire et de la RDC viennent assombrir cette lecture optimiste. Le succès, quel qu’en soit le visage dépend, d’une série de ressorts. Dans le même temps, elles fondent une spécialisation entre dominants et dominés des entreprises pacificatrices et une différenciation des rôles socio-politiques et militaires en la matière. Or, c’est dans la croyance dans cet ordre de domination,  fondé sur le réel, que reposent l’équilibre et la stabilité des rapports de force dans les opérations de maintien de la paix. Rendre compte du cadre au sens de Goffman, des opérations de maintien de la paix, c’est avant tout se situer dans un monde social totalisant où des acteurs tiennent des rôles.
Second fil : le fil analytique
Cette communication suggère qu’un modèle explicatif combinant l’offre et la demande de maintien de la paix peut être une entrée heuristique pour penser à partir d’un questionnement nouveau un champ déjà débroussaillé même si la région qui est ici retenue demeure un impensé. L’économie politique pourrait être un cadre à cette analyse mais ici, c’est l’analyse des politiques publiques qui sera l’entrée privilégiée. Cette équation a donc deux termes : l’offre et la demande de maintien de la paix.

L’offre réfère aux dispositifs d’action publique internationale (politiques bilatérales,  communautaires que des politiques étrangères) constituées en réponse pour la mise en œuvre de la paix. Ce dispositif est à la fois pratique et symbolique. Il s’est progressivement vu investi ces dernières années à la faveur d’un repli occidental (des revers onusiens en Somalie, au Rwanda et en ex-Yougoslavie) d’un renforcement de la présence africaine (or division du travail inégalitaire car l’absence d’un appui ferme de grandes puissance, cette mobilisation connait des succès mitigé, on a pu le voir en Côte d’ivoire, au Mali, en RDC où les avancées récentes tiennent à la mise à disposition d’une armée robuste. Pour la RCA, l’arrivée de troupes française constitue une clé décisive pour le retour à la paix durable).  Classiquement, l’offre est la plus importante de la part de l’ONU et du Conseil de paix et de sécurité.

La demande quant à elle, plus ambiguë, se réfère aux attentes formelles et informelles tant d’acteurs étatiques que d’autres catégories d’acteurs pour des interventions en faveur de la paix (en RCA, c’est la population, la société civile et plus récemment le PM qui formulent cette demande). Les uns demandant un soutien –ressources humaines, financières, logistiques, militaires ? et la population une intervention. Elle réfère plus largement au profil pays des lieux de ces opérations.

L’hypothèse avancée ici est celle d’une désarticulation entre cette offre et cette demande, source d’inefficacité des opérations de maintien de la paix donne lieu à des réponses incrémentales au maintien de la paix. Deux lectures permettent de décliner cette équation désarticulée. D’abord, une demande diffuse et complexe, ensuite, une offre incrémentale.


II.                 PREMIERE LECTURE : UNE DEMANDE DIFFUSE ET COMPLEXE (n’est perceptible que si l’on met en perspective les Etats d’Afrique centrale entre eux, mais aussi par rapport à leur historicité propre

Si le succès des OMP dépend au moins de ce que Les belligérants collaborent sincèrement et volontairement à la mise en place du dispositif, de ce que l’opération donne une certaine garantie de sécurité aux différentes parties prenantes, L’opération porte une attention particulière aux causes profondes du conflit, la coordination interne et externe des instruments de paix, ’implication des acteurs clés internes et externes dans le processus.

De quoi parlons-nous ?
L'Afrique centrale (la grande) est de ce point de vue un traceur intéressant. Elle a en effet comme caractéristiques propres l'arbitraire frontalier avec des traits spécifiques destabilisant - écologiques, géographiques, et souvent pratiques, ces frontières sont plus difficiles à contrôler qu'ailleurs -,  l'incertitude des constructions étatiques, l'acuité des pathologies sociales, la force des déséquilibres dans les richesses tant au sein des Etats qu’entre eux, l'ambiguïté de formes nouvelles de conflictualité. La période post-bipolaire est ce point de vue un tournant à ce que l’on peut parfois tenir comme  l’émergence de situations étatiques pré-hobbesiennes (absence de pacte social) ? En bref, un espace infiniment plus complexe et potentiellement plus conflictogène. Même si elle n’en a pas le monopole, on voit se mettre en place une compétition de faiblesse souvent plus déterminante que la compétition de puissance, ce qui est une rupture forte dans l'histoire clausewitzienne  de la guerre. Avec catégories très fluides dont l’un des plus emblématiques sont les "sobels". Pour autant, les Etats n'ont pas disparu et, autre particularité, la plupart de ces conflits sont alimentés par un déséquilibre trop fort entre des Etats puissants et ambitieux et des voisins faiblement institutionnalisés, à la limite de l'identité d'"Etats faillis". On pense par exemple au Rwanda et à l'Ouganda face au Zaïre puis au Congo. De fait, « malgré des acquis indéniables en matière de création des institutions de nature démocratique et de fonctionnement formel de celles-ci (exemple des élections régulières organisées), quelques menaces, résidant essentiellement dans les pratiques politiques et le civisme, existent et font courir des risques à l’Etat burkinabé.
Ces facteurs sont de nombreux ordres et demandent à être examinés minutieusement afin d’établir une priorisation du risque à la stabilité afin d’éclairer les actions de réponses à ces menaces ».
Comment cette réalité peut être analytiquement appréhendée ?


3.   Au-delà des failles de l’africanisme politique

Réfléchir sur l’État et le politique en Afrique depuis les indépendances est une tâche à la fois nécessaire et décourageante. Le chercheur navigue entre les imprécations, les illusions et les fausses certitudes. Le bon Pouvoir est démocratique, respectueux des droits et libertés, dévoué au bien public et à l’intérêt général. Le mauvais Pouvoir, et dans les pays d’Afrique est tyrannique, prédateur, patrimonial ou néopatrimonial, c’est la politique du ventre. Toute littérature sur l’Afrique, qu’elle soit d’origine africaine ou européenne et américaine, est dominée par ce dualisme ), constate François Borella. Il faut insister ici sur la nécessité d’aller au-delà de l’africanisme politique classique qui se « limitent le plus souvent à incriminer l’inadaptation des mécanismes politiques importés par la colonisation et reproduits après la décolonisation. Ce qui est en cause, avant les mécanismes démocratiques ou non, c’est le cadre dans lequel ils se déploient ».
Le cadre dont il est question ici est celui de 1’État importé, en tant que modèle de construction politique comme l’horizon de la modernité politique et de la rationalité. Or, le rare débat sur 1’Etat en Afrique n’a porté que sur son épiphénomène, en l’occurrence 1’Etat postcolonial, ignorant totalement la crise en amont qui touche le modèle importé dont ce dernier n’est que la caricature, ou un avatar de la crise de 1’Etat-nation libéral et la crise de 1’Etat-nation Deux outils analytiques sont souvent convoqués : la politique du ventre et l’e l’Etat néopatrimonial qui ont tous en commun la référence la toile de fond du modèle idéal-typique de domination traditionnelle chez Max Weber. I1 suffit de lire J.-F. Bayart et J.-F. Médard pour découvrir cette filiation. En effet, dans L’État en Afrique - la politique du ventre, la thèse centrale de J.-F. Bayart est que l’accès au pouvoir d’Etat est également l’accès aux ressources matérielles et morales de cet Etat. I1 désigne ce processus d’accaparement arbitraire de l’État et de ses ressources par le terme G d’accumulation ». Cette accumulation, devient aussi un espace de coercition et les accapareurs constituent ou tentent de constituer une classe dominante soucieuse de construire une  l’hégémonie. Cet État repose sur des fondements autochtones et sur un processus de réappropriation des institutions coloniales qui en garantissent l’historicité (p. 3 17). I1 en découle que si 1’État postcolonial repose sur des fondements autochtones d’un côté, et qu’il a fait l’objet de réappropriation de l’autre, J.-F. Médard soulignera que « le patrimonialisme constitue le commun dénominateur de pratiques diverses si caractéristiques de la vie politique africaine, à savoir le népotisme, le clanisme, le tribalisme, le régionalisme, le clientélisme, le copinage, le patronage, le prébendalisme, la corruption, la prédation, le factionnisme, etc., qu’elles soient fondées sur l’échange social ou sur l’échange économique » . Dans une sous-région marquée par des économies d’extraction, ceci constitue une structure d’opportunité à la fragilisation durable de la paix et constitue le socle de la demande de paix.

Appréhender la demande de maintien de la paix, du point de vue du terreau dans lequel il va s’incruster, c’est rendre compte de deux idées :



3.   Dans les plis d’une gouvernementalité spécifique (sécurité et bienveillance) pour penser la sécurité humaine

Il s’agit ici de partir des lumineuses propositions foucaldiennes sur le gouvernement des corps et des choses (le biopouvoir). Michel Foucault avait en effet souligné que  la gouvernementalisation de l’Etat est la clé de sa survie.
C’est là l’horizon de la pacification des sociétés africaines. Voir Micheal Mann sur le pouvoir infrastructurel et « capacité concrète à la fois à concevoir et à mettre en application leurs propres politiques, c’est-à dire à organiser, ordonner et façonner la société, que ce soit en matière politique, économique ou militaire. C’est là le seul espace réel de la lutte et des joutes politiques, cette gouvernementalisation de l’Etat a tout de même été le phénomène qui a permis à l’Etat de survivre. Et il est vraisemblable que si l’Etat existe tel qu’il existe maintenant, c’est grâce, précisément, à cette gouvernementalité qui est à la fois extérieure et intérieure à l’Etat,[7]. Ce pouvoir gouvernementalisé correspond à un changement de rationalité qui substitue des catégories d’action publique relevant de l’économie politique à celles qui relevaient antérieurement de la seule défense de l’autorité des dominants dans le jeu politique. Il apparait que le disciplinarisation de la société est corrélative de la gestion populationnelle et de la constitution de dispositifs de sécurité reconfigurant les rapports entre le sujet et la liberté. En étendant graduellement son emprise sur les société en Afrique centrale, l’Etat se fait producteur de significations grâce à la mise en branle d’une série d’instruments d’objectivation[8]. En même temps, elle met au cœur de la rationalité politique la quête de la félicité et de la prospérité terrestres. C’est d’ici que part la conjugaison des destins étatique et d’autorité d’une part, et destin populationnel et d’intervention donnant lieu au développement de toute une série de mécanismes visant à assurer l’ordre tout en intervenant. Or en réalité, ces deux destins se chevauchent de manière asymétrique. D’une part, un art de gouverner multipliant les instances de police, réglant les pratiques et les conduites individuelles (en matière religieuse, alimentaire, d’habitat, santé, sexualité, etc.) dont le but avoué est de maximisé les forces et l’utilité économique de la population. En effet, « cet Etat de gouvernement qui s’appuie essentiellement sur la population et qui se réfère et utilise l’instrumentalisation du savoir économique, correspondrait à une société dominée par les dispositifs de sécurité »[9]. Dans les sociétés occidentales, cette emprise progressive part du modèle de la pastorale chrétienne avant de se séculariser progressivement grâce à une « série d’instruments très particuliers, dont la formation est justement contemporaine à celle de l’art du gouvernement, et s’appelle dans le vieux sens du terme : la police »[10]. Ce mouvement s’organise en un ensemble de pratiques visant à tenir les individus par les mécanismes de pouvoir se réclamant « a-politique » comme l’avait analysé Jean-François Bayart : La domination bureaucratique se fait au travers des formes gouvernementales et s’accompagne d’une intrication des catégories de défense de l’autorité des dominants autour des politiques disciplinaires et/ou d’intervention directe recourant à des instruments administratifs (défense, sécurité intérieure, finances, justice, administration territoriale, etc.),
Ressort historique,  En effet, les deux premières décennies post-indépendance sont marquées, au Cameroun comme dans bien d’autres Etats africains, la quête du développement fait partie du triangle magique (avec la Nation et l’Etat) » qui définit l’ordre des priorités étatiques. Daniel Bourmaud montrera qu’il fait partie de l’identité même des nouveaux Etats indépendants : Cette emprise toujours plus grande de l’Etat sur la vie sociale invoque, sous une forme idéalisée, une forme qui se veut providentielle, portant en elle le souci populationnel décliné en  souci d’accomplissement de bonheur matériel de ses sujets via le développement et en souci d’intégration nationale. Ces formes de soucis s’ajoutent aux catégories de défense de la souveraineté et de l’ordre, donnant une cohérence et une stabilité à l’art de gouverner.

Ceci constitue des éléments centraux de contextualisation révélateur de la complexité du cadre au sens de Goffman, des OMP. Venons-en aux réponses elles-mêmes.


4.   DEUXIEME LECTURE : UNE OFFRE INCREMENTALE

Si l’offre en matière de maintien de la paix rencontre des résultats mitigés, c’est en raison du cadre dans lequel elle s’insère et la dynamique propre de sa mise en œuvre. L’offre renvoie à des politiques publiques internationales, c’est-à-dire « c’est tout ce que la société internationale décide de faire, ou de ne pas faire » d’où la distance à l’égard de toute posture positiviste. C’est aussi un ensemble coordonné de décisions et d’actions avec pour caractéristiques fondamentales de définir les buts à atteindre ainsi que les moyens nécessaires pour remplir les objectifs fixés. En avançant l’idée de dispositif, nous nous référons à moyens et instruments à mobiliser : condition pratique de la décision et les moyens dégagés pour les mettre en œuvre. C’est un dispositif non pas naturel mais un construit socio- politique.  Les réponses internationales en matière de maintien de la paix ont 5 composantes :
un contenu : une PP est un ensemble d’éléments matériels (ex : texte juridique), d’éléments budgétaires et d’actes administratifs (nomination de fonctionnaires…). + élément symbolique qui motive l’action de l’Etat : discours de certains acteurs, certaines prises de position (ex : campagne d’information sur la prévention routière).
Un programme : chaque ministère développe une politique propre. Au sein d’un même ensemble, on retrouve différents types de politiques publiques (ex : au sein du ministère de la culture, la politique du livre est différente de la politique du cinéma). De plus, contre la toxicomanie, 3 programmes possibles : curatif, préventif ou de sanction.
L’orientation normative : idée qu’une PP est toujours liée à des normes. Toute PP vise à réaliser des objectifs : soit satisfaire l’intérêt des acteurs, soit favoriser des clients- idée de constituency de Lasswell (ex : la politique du cinéma en France).
Elément de coercition : l’Etat exerce la contrainte. Une PP doit exercer une contrainte sur le comportement des acteurs, qu’ils soient publics ou privés.
Le ressort social : expression qui désigne l’ensemble des acteurs publics ou privés qui participent + ou - directement à la production et à l’application des PP.

Deux niveaux peuvent retenir l’attention dans l’analyse, la phase décisionnelle et la phase de l’implémentation.


Une structure inégalitaire et déterminée
Une structure routinière et de compromis

Au-delà des explications classiques sur les contraintes de la mise en œuvre des OMP (voir Hassenteufel, termes, moyens, comportements des acteurs en présences, comportement des acteurs en charge de la mise en œuvre, la réception sociopolitique par les cibles), c’est aussi les conditions de la décision en matière de maintien de la paix sont déterminantes dans le succès.

3.      Uns structure inégalitaire marquée par une division sociale du travail de maintien de la paix
Il existe plusieurs manières de contribuer aux opérations de maintien de la paix déployées par les Nations Unies : en personnel, en financement, en engagement politique, en soutien. Il existe donc plusieurs types de contributeurs, provenant de plusieurs zones de déploiement, et leurs motivations à contribuer sont très variées, même si l’on oppose souvent deux grands groupes de contributeurs : les contributeurs en troupes et les contributeurs financiers. Ces deux grands groupes correspondent depuis dix ans de plus en plus à deux grands ensembles du monde : les pays du Sud, principaux contributeurs de troupes des OMP et les pays occidentaux, principaux contributeurs financiers. Ces premiers ont un certain nombre de revendications pour mieux être entendus, écoutés et impliqués dans les processus décisionnels principalement contrôlés par les seconds. L’enjeu est aujourd’hui de pouvoir donner plus de cohésion à cet ensemble de contributeurs.

Les types de contributeurs au maintien de la paix


L’ONU distingue plusieurs types de contributeurs : les contributeurs de troupes (TCCs), les contributeurs de police (PCCs) et les contributeurs financiers (FCCs). Ces groupes forment aussi des groupes de pression ou de négociations (C-34) à part entière qui font avancer leurs intérêts particuliers.



10 principaux contributeurs de l’ONU (TCCs, PCCs, FCCs)
(au 31 janvier 2012)
Pays
Troupes
Pays
Policiers
Pays
Budget (quote-part)
Bangladesh
10 238
Bangladesh
2 076
Etats-Unis
27,14%
Pakistan
9 527
Jordanie
2 024
Japon
12,53%
Inde
8 093
Inde
1 022
Royaume-Uni
8,15%
Ethiopie
6 223
Pakistan
893
Allemagne
8,02%
Nigeria
5 775
Népal
745
France
7,55%
Egypte
4 066
Sénégal
745
Italie
5,00%
Jordanie
3 751
Nigeria
721
Chine
3,93%
Rwanda
3 713
Rwanda
468
Canada
3,21%
Népal
3 601
Egypte
413
Espagne
3,18%
Ghana
2 987
Ghana
341
Corée du Sud
2,26%

57 974

9 448

80,97%

TCCs = Troop-Contributing Countries ; PCCs = Police Contributing Countries ; FCCs = Financial Contributing Countries

Les contributeurs de troupes

 115 Etats membres contribuent en troupes aux opérations de maintien de la paix. L’ONU est actuellement le deuxième « déployeur » de troupes (après les Etats-Unis) de par le monde avec 93 187 personnes en uniforme et 19 299 civils servant dans 15 opérations de maintien de la paix sur quatre continents. Ces contributeurs proposent la mise à disposition de leurs troupes sur la base du volontariat. En retour de l’envoi de militaires, ils reçoivent une compensation sous la forme d’un forfait appelé troop cost, forfait par homme et par mois de 1 101 $ versé a posteriori aux pays contributeurs (et non pas aux militaires eux-mêmes).

Les cinq premiers contributeurs de troupes de l’ONU sont le Bangladesh (10 238), le Pakistan (9 527), l’Inde (8 093), l’Ethiopie (6 223) et le Nigéria (4 066) ; ils contribuent à 38% des personnels en uniforme déployés dans ces opérations.

Les contributeurs de police

84 Etats membres contribuent en policiers ou en forces de police constituées (FPU – Formed Police Units) aux opérations de maintien de la paix, également sur la base du volontariat. Pour les policiers (comme pour les observateurs militaires), l’ONU verse directement et mensuellement aux hommes et femmes qu’elle emploie une MSA (Mission Subsistence Allowance) dont le montant varie en fonction du pays où ils sont envoyés. Cette catégorie de contributeurs n’a été créée que récemment, certains pays s’étant fait une sorte de spécialité dans ce type de contribution (Jordanie, par exemple) et les opérations de maintien employant de plus en plus de policiers pour des tâches d’après-conflit.

Les cinq premiers contributeurs de police sont le Bangladesh (2 076), la Jordanie (2 024), l’Inde (1 022), le Pakistan (893) et le Népal au même niveau que le Nigéria (745).
Ces deux premières catégories sont aussi fusionnées sont l’expression : contributions de personnel en uniforme.

Les contributeurs financiers

L’ensemble des Etats membres contribue au budget du maintien de la paix qui s’élève à 7,84 milliards de dollars pour le biennum 2011-2012. Ces contributions sont donc obligatoires et fixées selon le produit national brut (PNB) par habitant de chaque Etat (quote-part corrigée pour tenir compte de divers facteurs tels que la dette extérieure et la faiblesse du revenu par habitant). Les cinq premiers contributeurs financiers sont les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ; ils supportent plus de 60% de ce budget.

On évoque rarement les contributeurs de personnel civil, car ces personnels sont des employés de l’organisation, des fonctionnaires internationaux, et ne répondent par conséquent pas aux mêmes règles de déploiement. On évoque encore moins les Etats formant les bataillons de certains Etats, les contributions en termes de capacités (hélicoptères notamment) ou les entreprises de soutien logistique qui répondent à des marchés (procurement).

Cette structure des moyens d’intervention constitue des logiques d’implication de 5 ordre  et qui n’ont pas nécessairement une résonance avec la structure de la demande précédemment présentée.


- un ressort militaire : l’engagement régulier dans les OMP permet aux soldats de se confronter à un travail en multinational voire d’améliorer l’interopérabilité des forces ; il permet également aux pays aux armées pléthoriques de maintenir une partie de leurs soldats en dehors du territoire. Les OMP sont par ailleurs un moyen d’entrainer de jeunes armées (exemple du Timor oriental) à peu de frais et de manière progressive. Cela est aussi un moyen de « rentrer » dans le concert des nations (exemple du Timor oriental, du Vietnam, de la Mongolie). Cette contribution militaire peut aussi se faire en fonction des spécialités et des contraintes à chaque armée (exemple du Japon qui déploie principalement des forces de génie ; exemple de la Corée du Sud qui déploie des unités médicales). Les OMP peuvent donc constituer des modes d’intégration et de formation de certaines armées.

- un ressort de leadership régional : cet engagement permet de conforter un statut de puissance régionale (exemple du Brésil) ou au contraire de promouvoir un partenariat régional (Caecopaz en Argentine).

- un ressort politique : l’engagement au sein des OMP répond aux intérêts d’un Etat pour la stabilisation d’une zone (engagement des Européens dans les Balkans, des pays d’Amérique latine en Amérique centrale et de l’Australie au Timor oriental dans les années 90). Cet engagement est aussi utilisé par certains Etats candidats à un siège de membre permanent du Conseil pour renforcer leur légitimité en la matière et remplir l’un des critères exigés pour une telle accession.

- un ressort financier : les dégrèvements qu’accorde l’ONU pour la mise à disposition de forces militaires permettent aux pays en développement d’entretenir leur armée et d’entraîner leurs soldats à moindre frais ; aux pays développés, ils leur permettent aussi un engagement à moindres frais avec des capacités rares (exemple de la FINUL), même si les remboursements de l’ONU ne couvrent pas l’ensemble des frais engagés.

- un ressort économique voire commerciale : l’engagement dans une OMP se fait aussi en fonction des zones d’intérêt économique et d’approvisionnements énergétiques stratégiques (exemple de la Chine en Afrique). La logique commerciale est privilégiée par les Américains qui vendent, à un prix élevé, leurs capacités de transport stratégique.

La fronde des principaux contributeurs de troupes et le fossé grandissant entre contributeurs et décideurs

Pendant longtemps, les contributeurs de troupes ont été un peu les parents pauvres du maintien de la paix et peu de monde s’en souciait. Suite au rapport Brahimi, une résolution traitant de manière spécifique de « la coopération avec les pays fournisseurs de contingents » a été votée par le Conseil de sécurité. La Résolution 1353 insistait sur le renforcement nécessaire des consultations entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les TCCs, par l’organisation de réunions spécifiques (des « séances publiques ou privées du Conseil de sécurité avec la participation des pays fournisseurs de contingents » ; des « réunions de consultation avec les pays fournisseurs de contingents » ; des « réunions entre le Secrétariat et les pays fournisseurs de contingents ». De fait, seul ce troisième format de réunions se tient régulièrement, mais elles sont peu réactives et constituent principalement des réunions de génération de forces. Les dispositions de cette résolution ont été peu suivies d’effet. Il est un fait que le Conseil de sécurité dialogue peu avec les contributeurs en troupes et financiers, par manque de comité militaire (qui aurait été l’instance idoine de ce genre de consultations), par manque de temps et par manque d’implication dans la mise en œuvre des opérations qu’il décide.

Au fil des années, un fossé de plus en plus grand s’est creusé entre les différents contributeurs du maintien de la paix : entre ceux qui décident au Conseil et qui contribuent financièrement, et ceux qui contribuent militairement et considèrent « payer le prix du sang » du maintien de la paix. C’est ce fossé et le manque de consensus sur la façon de mener les OMP qui ont bloqué à plusieurs reprises les travaux du Comité spécial sur les opérations de maintien de la paix (C-34), enceinte dans laquelle les grands pays contributeurs peuvent peser. C’est ce fossé qui bloque aussi certaines discussions au sein de la Ve Commission de l’Assemblée générale qui vote le budget des opérations décidées par le Conseil. Contre toute logique d’efficacité, certains Etats du groupe des Non-Alignés utilisent cette instance comme un levier pour faire entendre leurs voix et leurs revendications en bloquant ou diminuant certaines dépenses demandées par le Conseil, conduisant même les principaux contributeurs de troupes à remettre en cause le rôle décisionnel prééminent du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix. Il existe là sans doute chez les contributeurs de troupes une forme de pression envers le Conseil pour qu’il leur ouvre son processus de décision, exigence bien entendu inenvisageable pour les membres du Conseil. Ceci constitue assurément une forme de dérive alors que les opérations de maintien de la paix forment chacune « un partenariat global » (pour reprendre la formule du rapport « New Horizon ») où chacun doit prendre une place qui lui est reconnue. Ceci est l’un des grands défis à venir du maintien de la paix que de (re)constituer un tel partenariat.

4.      Une structure routinière et de compromis

Cette désarticulation tient selon l’approche incrémentaliste des politiques publiques suggérée par Lindblom[11] s’oppose à une conception rationnelle de l’action décisionnelle « elle met l’accent sur la manière dont de nombreux acteurs interviennent au cours d’un processus de décision en s’efforçant, par tâtonnements, d’aboutir à des compromis en fonction d’informations partielle. La décision et l’action en construction ou en consolidation de la paix consiste alors en des démarches correctives successives, en de nombreux ajustements et en une grande quantité de micro-décisions sur un modèle d’essai/erreur dans la quête d’une sorte de consensus social pour la paix. Les acteurs se « débrouillent au mieux » à travers des pratiques d’adaptation pour élaborer des décisions qui peuvent échapper à l’épicentre décisionnel de l’intervention. L’on peut dans cette perspective reprendre les propositions faites dans le cadre du postulat des sciences sociales qu’est la rationalité limité par essence des acteurs. L’offre d’OMP est de ce point de vue une alternative satisfaisante. En conséquence, bien qu’on ait trois générations d’OMP, l’interposition, l’intervention avec parti pris et l’option allant au-delà des objectifs sécuritaires de base, on a des enjeux de sécurité humaine, de réforme du secteur sécuritaire, consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie, construction de la cohésion sociale et soutien à la reconstruction est une génération si complexe mais si indispensable dans le cas de l’Afrique centrale explique que les solutions soient fondamentalement des compromis entre acteurs (cf RDC et M. 23)
-            
Conséquemment, les dispositifs produisent des effets incrémentaux, elle évolue à la marge, seule une petite partie du dispositif sera modifiée.

c)Le modèle de la poubelle
4 critères pour critiquer la RPP :
• Il n’existe jamais une connaissance de la situation, donc pas de critères de choix
• Les préférences sont implicites, souvent contradictoires et instables
• Il n’y a pas de moyens disponibles
• Le moment de la décision (moment de stress) est tout sauf rationnel, il y a des affects
Face à une situation de choix, les acteurs vont prendre la dernière décision qu’ils viennent de jeter à la poubelle sans vraie rationalité.





Poser le problème des OMP, c’est souligner non seulement que l’heure a sonné de changer la problématique de 1’État et la sécurité en Afrique, mais c’est surtout préciser que l’enjeu de cette nouvelle problématisation se décline sous la forme de trois variables : inadaptabilité du modèle de l’État-nation extrapolé en Afrique ; redécouverte des tenants et des aboutissants du modèle de l’État et de la nation inventé par l’Afrique noire précoloniale ; théorisation de ce modèle de 1’Etat impliquant une approche méthodologique globale. En l’absence d’une maîtrise de ce contexte,


La ponctualité est la politesse des rois et en démocratie, Monsieur le président, mesdames et messieurs,  nous sommes tous des rois, je vous remercie.






14. L’Opération des Nations unies au Burundi (ONUB) a été créée par la résolution 1545 du 21 mai 2004 du Conseil de sécurité afin de soutenir et d'accompagner les efforts entrepris par les Burundais pour établir durablement la paix et la réconciliation nationale dans leur pays, comme prévu par l'Accord d'Arusha.
15. La Mission de l'Union africaine au Soudan (Darfour) créée en 2004 est chargée de surveiller et d'observer le respect de l'Accord humanitaire de Cessez-le-feu du 8 avril 2004, ainsi que de tous les accords subséquents. Elle devait favoriser la restauration de la confiance et contribuer à l'instauration d'un environnement sécurisé pour permettre l'acheminement de l'assistance humanitaire. En outre, elle devait aider au retour des personnes déplacées et des réfugiés et enfin participer au renforcement de la sécurité sur l'ensemble du Darfour. Voir : http://www.operationspaix.net/116-operation-muas.html
16. La mission hybride des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD) a été créée par la résolution 1769 du Conseil de sécurité de l’ONU le 31 juillet 2007. Elle a pour objectif de mettre fin au conflit opposant les mouvements rebelles à l’armée soudanaise et aux milices arabes soutenues par le gouvernement soudanais.
17. Au 30 avril 2013, sur les 3 761 soldats de la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei (FISNUA), 3 678 d’entre eux étaient éthiopiens soit 97,79% de la force.
18. Le concept de la Force africaine en attente a été approuvé à Addis-Abeba, en juillet 2004, lors de la 3ème session ordinaire de l’UA. La Force doit être composée de cinq brigades régionales en attente et d’un contingent multidisciplinaire pouvant être déployés partout en Afrique. L’objectif de cette FAA est de s’inscrire dans une logique de coopération entre l’ONU et l’UA, en procédant à un déploiement rapide de forces africaines ou à un co-déploiement avec une mission onusienne. Voir Amandine Gnanguenon, Architecture africaine de paix et de sécurité, http://www.operationspaix.net/10-resources/details-lexique/architecture-africaine-de-paix-et-de-securite.html et Romain Esmenjaud, La Force africaine en attente, http://www.operationspaix.net/53-resources/details-lexique/force-africaine-en-attente.html
19. Voir la note informative d’Antoine Esteban sur L’Amérique latine et maintien de la paix, http://www.operationspaix.net/9-resources/details-lexique/amerique-latine-et-maintien-de-la-paix.html
20. La rémunération des militaires est prise en charge par les gouvernements, dont ils relèvent selon leur grade dans les forces nationales et selon le barème de rémunération applicable. Les pays qui fournissent volontairement des contingents aux opérations de maintien de la paix sont remboursés des coûts par l'ONU sur la base d'un taux standard approuvé par l'Assemblée générale d'un peu plus de 1 028 dollars par soldat et par mois.
Il en va de même pour la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS)15 remplacée par la mission hybride MINUAD16 qui enregistre une forte participation africaine, tandis que celle déployée par l’ONU dans la région d’Abyei est essentiellement composée de soldats africains d’origine éthiopienne17.
Étant donné que la plupart de ces missions se déroulent sur le continent africain et en raison de leur volonté de jouer un rôle important au sein de l’organisation mondiale, il est donc apparu nécessaire pour les pays africains d’être en mesure de répondre à cette exigence du maintien de la paix. C’est pourquoi d’ailleurs depuis la naissance de l’Union africaine en 2002 et la mise en place du Conseil de paix et de sécurité, celle-ci s’active à l’élaboration d’une Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) et à la mise en place des Forces africaines en attente (FAA)18.
Cependant, l’engagement d’un certain nombre d’États africains à contribuer de manière significative aux effectifs des Casques bleus peut s’expliquer également par une logique financière19. Les 1 000 dollars mensuels20 par soldat, que reçoivent ces États pour l’envoi de troupes dans les missions onusiennes, représentent pour eux une certaine aubaine. Ces ressources peuvent leur permettre d’entretenir leur armée et d’entraîner leurs troupes à moindre frais.
Le remboursement par l’ONU des soldes de leurs soldats aux pays africains se chiffre en millions de dollars, suivant leur nombre et la durée de leur engagement au sein des missions de paix. Un facteur qui pourrait donc expliquer leur contribution croissante en termes de personnels militaires dans de telles missions.

On pourrait déceler cette logique financière à propos de l’important engagement du Rwanda depuis 2008 dans les opérations de maintien de la paix. Ce pays avait engagé à partir de 1997 près de 25 000 hommes aux côtés de l’Alliance des forces démocratiques de libération(AFDL) de Laurent Désiré Kabila et plus tard du Rassemblement des Congolais pour la démocratie (RCD)21. Son effort de guerre était compensé par l’exploitation des ressources minières de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC)22. L’entretien de ces soldats et les différentes rotations aériennes pour leur approvisionnement a été estimé par un groupe d’experts à plus de 50 millions de dollars par an23. La fin de cette guerre en 2003 a donc privé le Rwanda de cette manne financière très importante, si bien que le pays a dû réaffecter ses soldats dans les opérations de maintien de la paix pour compenser le manque à gagner24. Ce n’est donc pas sans raison si des pays comme l’Éthiopie, le Nigeria, le Niger, le Bénin, le Burkina Faso et la Tanzanie ont triplé, quadruplé ou quintuplé en quelques années leurs effectifs au sein des missions onusiennes de paix.
Cependant, au-delà de ces considérations financières, l’engagement régulier au sein des opérations permet également à certains pays aux armées pléthoriques, comme l’Éthiopie ou encore le Rwanda, de maintenir une partie de leurs soldats en dehors du territoire. Il s’agit pour les gouvernants de ces régimes autocratiques d’occuper les troupes à l’étranger – dans des OMP – tout en les détournant du pouvoir d’État qu’ils pourraient convoiter. Par ailleurs, la participation régulière aux opérations de maintien de la paix constitue des opportunités non négligeables en termes de formation pour ces armées25.
Enfin, la contribution des pays africains aux effectifs des Casques bleus permet à nombre d’entre eux de lorgner ou de conforter un statut de puissance régionale. Cet engagement peut répondre aussi au souci de stabilisation d’une zone afin de promouvoir un partenariat régional ou à la volonté de renforcer la légitimité des pays candidats à un siège permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies26.
Les pays africains qui figurent parmi les 15 premiers contributeurs de Casques bleus – à savoir l’Éthiopie, le Nigeria, l’Égypte, le Rwanda, le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du sud – peuvent être considérés comme des "têtes de listes" des principales sous régions africaines : Afrique du nord (Égypte), Afrique occidentale (Nigeria), Afrique australe (Afrique du sud), Afrique centrale et région des grands lacs (Rwanda et Ouganda) et Corne de l’Afrique (Éthiopie). Outre la logique financière et les considérations sécuritaires d’ordre interne déjà mentionnées, force est de constater que la quête d’un leadership régional est à prendre en compte pour expliquer l’important engagement des pays africains dans le maintien de la paix.






[1] Voir Bruno Palier, 2008. De la demande à l’offre, les réformes de la protection sociale en France, Paris,  Presses Universitaires de France. Voire egalement l’usage de cette théorie en matiere de loi du travail, Albert Cohen, 2010, dir., Sciences Économiques Sociales, Paris, Bordas/SEJER,

[2]. Ewald F., Fontana A., Senellart M. (dir), Sécurité, territoire, population, Cours au Collège de France, 1977-1978, Leçon du 1er février 1978, Paris, Gallimard-Le Seuil, 2004, p.113.
[3] Voir sur ce point Bourdieu P., « Habitus, code et codification », Annales de la recherche en sciences sociales, n° 65, 1986, pp 40-45.
[4]. Foucault M., Dits et écrits (1954-1988), tome 3, Paris, Gallimard, 1994, p.656.
[5]. Idem.
[6] Lindblom C., « The Science of muddling through », Public administration Review, 19, 1959.
[7]. Ewald F., Fontana A., Senellart M. (dir), Sécurité, territoire, population, Cours au Collège de France, 1977-1978, Leçon du 1er février 1978, Paris, Gallimard-Le Seuil, 2004, p.113.
[8] Voir sur ce point Bourdieu P., « Habitus, code et codification », Annales de la recherche en sciences sociales, n° 65, 1986, pp 40-45.
[9]. Foucault M., Dits et écrits (1954-1988), tome 3, Paris, Gallimard, 1994, p.656.
[10]. Idem.
[11] Lindblom C., « The Science of muddling through », Public administration Review, 19, 1959.

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